Championnat du Monde 

Revenons sur le championnat du monde de Dimitri LAGARDE, en photo, fin octobre en Grèce. 

Un grand merci à son  papa, Bruno, qui nous a fait un remarquable compte rendu du séjour en Grèce. 

Je vous invite à le découvrir ci-dessous. 

Joël DEMUMIEUX

 

World Youth Chess Championships 2010 - Porto Carras – Greece- Dimitri Lagarde – Open under 8

Dimitri est parti confiant pour ce championnat du monde. Après son séjour en Géorgie, il est tout revigoré et veut s’approcher au plus près du podium. Le voyage devrait être moins long et moins fatiguant que le précédent. Avant la Grèce, nous faisons une escale à Paris où sommes arrivés deux jours avant pour couper le trajet. Dimitri a profité de cette pause pour faire quelques blitzs au jardin du Luxembourg. Il n’a pas manqué de faire l’attraction sur les tables du sénat où 50 à 200 joueurs bataillent tous les jours dans une ambiance sympathique.

Mardi  19 octobre, la grève bloque les trains et les avions mais l’équipe de France rejoint au complet le point de ralliement. Dimitri est maintenant bien intégré. En Géorgie, il était chaque jour accompagné de son rubiks-cube … en Grèce, il n’est plus tout seul. Vassili, Quentin et Meriem on apporté le leur… Dimitri a fait des émules.

L’hôtel est agréable, les chambres spacieuses et la nourriture correcte. Dimitri se sent bien et dort beaucoup.

La 1ère ronde arrive, il joue contre un Albanais. Après 2 fourchettes son adversaire abandonne, une partie facile jouée un peu vite en 1h40 pour 30 coups.

La 2ème ronde l’oppose à un Hongrois. Une « grosse » partie, Dimitri gagne un pion, puis sur une belle combinaison, gagne la qualité sur le fil du rasoir.

 

3ème ronde, Dimitri retrouve les blancs. Face à lui, le petit Coréen joue des coups approximatifs dans l’ouverture, il gagne en 2h40 sans problème.

4ème ronde, le Russe est un attaquant. Dimitri a les noirs et passe la partie à subir, le Russe rate le gain. Dimitri s’accroche, après 3 heures de jeu, le match bascule légèrement en sa faveur. Il peut se créer un pion passer à l’aile dame mais avec la fatigue il accepte la nulle de son adversaire. Yannick Berthelot son entraîneur n’est pas satisfait, il lui fait comprendre qu’il doit chercher la gagne sur de telle partie… pas toujours facile.

Avec 3,5 points sur 4, il attaque la journée double ronde avec le moral. Yannick s’occupe particulièrement de ses matchs car Dimitri est bien placé au général. Cette journée est une course contre la montre entre le repas, le repos et la prépa.

Les premières parties des adversaires apparaissent sur internet. Avec une connexion au réseau difficile, je me lève toutes les nuits vers 2 heures du matin pour récupérer les appariements de Dimitri et de Vassili Chesterkine. J’en profite pour récupérer des parties de leurs futurs adversaires. Ainsi chaque matin, Dimitri « déboule » dans la chambre de Yannick avec des parties sur le portable pour la prépa. Cette dernière dure environ 1 heure. Le travail de Yannick permet à Dimitri de jouer l’ouverture sur du velours. Une facette importante dans la pratique des échecs de haut niveau… avec le recule la prépa me semble plus importante que l’analyse. D’ailleurs, après chaque match les analyses sont assez courtes. Yannick s’attarde sur la gestion du temps, Dimitri se trouve facilement en zeitnot, les quelques points critiques de la partie sont abordés. 

A la 5ème ronde, Dimitri rencontre un américain qui joue la Sicilienne. Yannick Berthelot attrape Dimitri 30 minutes avant le match pour une prépa sur le pouce. Cela fonctionne, la partie tombe dessus. Dimitri gagne tranquillement. Avec 4,5 sur 5 les choses sérieuses débutent…

6ème ronde, Gadimbayli Abdulla Azar Oglu, Azerbaidjan, patrie de Gasparov est surement le plus dur joueur du tournoi. Champion d’Europe en titre, c’est pour lui le 3ème mondial. Dimitri ne se dégonfle pas. L’azérie joue la Française. Yannick n’aime pas la variante d’échange que joue Dimitri. Il reste sur ce schéma et travail une variante 5.Df3. La surprise fonctionne car sur le coup ce dernier fait les gros yeux. Au 28ème coup Dimitri a un pion d’avance, il est doublé, la partie tant vers la nulle… seulement après les 20 premiers coups il reste à la pendule 4 minutes pour Dimitri contre 19 pour l’azérie. Le zeitnot pour cette deuxième partie de la journée contre un joueur aussi fort à raison du monstre. Il cloue sa dame sur un échec au roi, l’azérie en profite. Beaucoup de regrets sur cette partie, car le futur champion du monde n’a pas gagné contre Dimitri, c’est Dimitri qui perd contre lui-même, c’est la loi des échecs.

Comme au championnat d’Europe, Dimitri chute en table 2… au mondial aussi.

La journée de repos n’a pas été vraiment bénéfique, il se relâche, normal après 5 jours. Il a du mal à trouver le sommeil, je le sens fatigué mais il est encore super motivé. L’activité de l’après midi avec le groupe nous change les idées.

 

7ème ronde, il rencontre un petit d’Ouzbékistan qui joue 1.Cf3. Yannick travaille pendant 1 heure avec Dimitri. Malheureusement son adversaire choisi une variante peu joué, Dimitri n’arrive pas à obtenir du contre jeu, il perd logiquement. Seule défaite où Dimitri a subit du début à la fin, une partie difficile à digérer.

8ème ronde, maintenant c’est la soupe à la grimace, une 3ème défaite serait terrible. De nouveau un Russe, rouquin, la mine triste et les yeux cernés, il arrive seul avec comme unique accessoire son stylo à la main. Dimitri lui arrive en « star », son bouffe comme rehausseur, son sac rempli de « munitions » (gâteaux, eau…), le tout escorté par son accessoire de luxe « Papa ». Le petit russe fait peine. Dimitri est rétrogradé en table 12. Il est « caché » car seules les 10 premières tables ont les parties affichées sur le net. Le petit russe joue 1.d4, comme beaucoup de ses compatriotes. Yannick n’est pas satisfait des réponses de Dimitri sur 1.d4. Je propose à Yannick de jouer l’Est-Indienne car Dimitri l’a déjà travaillée et jouée sur des rapides. Il ne l’a pas joué en Géorgie et pas encore en Grèce, alors cela peut créer la surprise. Ils sont partants. Encore 1 heure de prépa sur le sujet avec Yannick. Dimitri mène toute la partie, son adversaire n’est pas à l’aise. Pourtant à la fin, c’est ce dernier qui reprend l’avantage. Malgré tout, il propose la nulle à Dimitri. La dame, contre les 2 tours de Dimitri, est plus active sur le jeu, lucide Dimitri accepte la nulle. Jean Baptiste Mullon, le responsable de la délégation le réconforte. Il le félicite car après 2 défaites cela n’est pas toujours facile de rebondir. La machine est repartie.

9ème ronde, cette fois il rencontre un péruvien. L’enfant porte un bonnet et un survêtement aux couleurs de son pays. Avec la chaleur ambiante cela est rigolo. Dimitri lui offre une casquette de Narbonne, lui un stylo. Cette fois Dimitri prend le dessus, il impose son jeu et gagne « tranquillement » en 3h30.

10ème ronde, il quitte le « poulailler » (expression de Jean Baptiste pour designer les mauvaises tables). De la table 11, il remonte en table 6. Il est motivé, il a envie de jouer mais à mon goût il n’est pas assez conquérant. Ces deux défaites contre le n°1 et le n°3 au classement provisoire ne lui ont pas donné toute la confiance que nécessite un tel affrontement. Car il joue l’actuel n°5, le numéro deux à l’elo du tournoi et premier Russe… une pointure. Yannick s’attend à un « match de tranchée » car l’école Russe présente des élèves qui « bétonne », difficile à passer. Dimitri continu avec son Est-Indienne. Il égalise dans l’ouverture, il joue très bien mais le russe est solide. Au 27ème coup la partie tend vers la nulle, Dimitri se relâche il pense que le match va se terminer tranquillement. Il commence à avoir faim, il joue passivement. Malheureusement son adversaire organise son jeu et a maintenant une bonne attaque. Dimitri ne trouvera pas les bons coups pour le contrer, il perd après 3h10 de match.

11ème ronde, il retrouve le « poulailler », table 12. En face de lui un petit polonais blond comme le blé. La partie est décisive comme dans tous les tournois, la dernière ronde est importante. Une victoire récompenserait son superbe parcours, la défaite le rejetterait dans les profondeurs du classement. Dimitri est en forme. Il a toujours envie de jouer, il voudrait que le tournoi ne s’arrête pas. Il a les blancs, il s’octroie l’avantage dès l’ouverture. Une erreur de calcul permet à son adversaire de reprendre un peu de jeu. Dimitri a le roque ouvert, mais depuis les France il a bien progressé, chaque match le rend plus sûr de lui. Cette fois il ne panique pas, il a toujours l’avantage. Il prend son temps, en profite même pour balader son cavalier à travers tout l’échiquier pour prendre une superbe case. Il lui faudra 3h40 de match pour battre son dernier adversaire. Il savoure cette dernière rencontre. Il sera le dernier à quitter la salle, dommage que le tournoi n’ait pas 22 rondes. Il repartirait bien pour un tour.

Chez les jeunes la sélection au championnat de France est un but parfois difficile à atteindre. Elle est source de motivation. Après cette expérience, la motivation de Dimitri sera de regagner sa place en équipe de France pour rejouer les « World Youth Chess Championships ».

« C’est le plus beau tournoi du monde » dixit Maxime Lagarde (3ème en 2009 et 5ème mondial en 2010 catégorie moins de 16 ans, Meilleur Espoir FFE 2010)

 Dimitri termine 15ème sur 124 participants pour 59 pays représentés.